samedi 17 décembre 2011

Le Baladin du Monde Occidental de John M. Synge mise en scène Elizabeth Chailloux Théâtre des Quartiers d’Ivry


La puissance de la poésie pure.

Je n’avais jamais vu ni même lu «  Le Baladin du Monde Occidental ». C’est une révélation.

John M. Synge est « le génie irlandais » salué par Yeats en 1907 le lendemain de la création qui fit scandale et provoqua une émeute à Dublin.

Certes, le thème de la pièce ne saurait être plus transgressif.
 Elle nous compte l’ascension fulgurante d’un pauvre hère qui parvient par la seule force de son récit, le meurtre de son père, à séduire non seulement l’indomptable et superbe fille du cabaretier local, mais à devenir aussi le héros adulé de tous les habitants de ce trou perdu.
L’arrivée intempestive du père, seulement blessé, provoquera sa chute brutale et la vindicte de la foule déchaînée. Il ne devra son salut qu’à sa fuite, accompagné de son père miraculeusement réchappé de ses nouvelles tentatives pour l’achever.

Dans cette société ultra- catholique corsetée par son clergé, cet éloge du parricide prend ici une force toute particulière. Ce qui pourrait paraître le tableau d’une humanité bestiale, sordide, brutale et abrutie, révèle tout au contraire l’immense talent de l’auteur. Ses personnages venus du fond des âges, forts tempéraments et gosiers assoiffés, mais pétris d’humanité, cette Irlande  à la terre ingrate et si dure à vivre, ce peuple d’irréductibles sont évoqués avec une langue fabuleusement inventive, totalement poétique et d’une éblouissante beauté, admirablement rendue par l’adaptation de Françoise Morvan. Et c’est là que réside tout le génie du poète.

En dépit d’une mise en scène trop réaliste d’Elizabeth Chailloux, de comédiens qui manquent de souffle et à la diction trop souvent approximative à l’exception notable de Cassandre Vittu de Kerraoul, Pegeen d’anthologie éblouissante de beauté et d’autorité, un siècle plus tard on reste encore stupéfait, ébahi par une telle audace. La magie du verbe subjugue.
Pendant les deux heures trente du spectacle les adolescents du collège voisin n’ont pas fait grincer une fois leur fauteuil.
La démonstration est imparable.

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