dimanche 3 juillet 2011

FIN DE PARTIE de SamuelBeckett Théatre de la Madeleine jusqu'au 17 juillet

Si la représentation, ( reniée par Beckett) en 88, du Français,m'avait parue outrancière, celle de Charles Berling, en 2008 à l'Atelier,insipide, enfin la mise en scène d'Alain Françon nous révèle pleinement le texte admirable de Beckett.

D'emblée saluons la grande beauté du décor, dont les tonalités subtiles de gris et de blanc avec ses deux  minuscules et inaccessibles "ouvertures" (pas même des lucarnes) sur "l'Extérieur"  illustre parfaitement l'univers voulu et décrit par l'auteur, et définit l'essence même de notre condition sans issue, dans toute sa noirceur.

Dès la première réplique:" C'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir "l'inanité de la vie et sa fatalité ont rarement été évoquées avec pareil laconisme et une telle concision .
Pour autant, chez Beckett, ni l'espoir, aussi ténu soit-il, ni l'humour ne sont jamais absents d' aucune de ses pièces, et la "Vie"  de reprendre le dessus, jusque dans les situations les plus atroces, avec ses jeux de pouvoir, ses petitesses, et sa gourmandise:" Mes gâteaux, ma bouillie" réclament  à l'envie les Parents Poubelisés" au sens propre du terme.


Serge Merlin, Jean-Quentin Chatelain, Michel Robin et Isabelle Sadoyan, donnent un relief tout particulier à ce drame immobile . Le texte prend ici toute sa résonance grâce au jeu de ces quatre comédiens .

On ne regrette que davantage de ne pouvoir entendre la pièce jusqu'à son ultime dénouement, terriblement gênés par une soudaine et inexplicable diction hurlante et précipitée dans la dernière partie du spectacle.

UBU ROI d' Alfred JARRY à la Comédie Française jusqu'au 20 Juillet

La Comédie Française reprend "UBU ROI" mis en scène par Jean- Pierre Vincent, dont j'avais tant aimé  "Les Comédiens de Bonne Foi " de Marivaux cet hiver aux "Amandiers.


De ce texte,décortiqué, désossé, disséqué, analysé sur le mode cérébral et "profond", il ne reste rien de la "substantifique moelle."

Cette farce potache et transgressive, crée pour marionnettes à l'origine (quand Jarry était encore au lycée de Laval) d'un humour dévastateur et corrosif, il ne demeure plus qu'une démonstration didactique, gauchisante, démodée.

Les répliques les plus cocasses, les situations les plus "ubuesques", et les rengaines les plus dérangeantes, ont perdu toutes leur force comique et provocatrice.

Dans un décor sinistre (signé J.P.Chambas), Serge Bagdassarian,(qui nous avait fait pleurer de rire dans "le Fil à la Patte" ) aurait pu incarner un Ubu épatant. Las, ainsi dirigé, il n'en n'est rien. Quant à la Mère Ubu, Anne Kessler, lilliputienne et sautillante, le cheveu platine et impeccablement frisotté, elle est tout bonnement un contre-sens de l'affreuse harpie décrite par Jarry. Passons sous silence les autres protagonistes.

Jadis j'avais été éblouie par la réalisation de Jean Christophe Averty, ses moulinettes, parfaites machines à décerveler, son découpage télévisuel, ses costumes et ses interprètes grandioses: une Rosy Varte en Mère Ubu, authentique gorgone, mégère redoutable; un Jean Bouise, qui lui savait vous parler de "Phynances", sans oublier le roi Venceslas d'Henri Virlogeux et le Capitaine Bordure d'Hubert Deschamp.

C'était décapant, foutraque, tordant.

Je regrette d'avoir sali un aussi beau souvenir.

ON NE BADINE PAS AVEC L'AMOUR d'Alfred de Musset au théâtre du Vieux Colombier

Hélas, hélas, c'est trop tard. Mais impossible de ne pas vous dire la beauté totale de ce spectacle.

Musset est ici représenté auréolé d'une nouvelle jeunesse toute en intelligence; les excès du romantisme ont été si parfaitement transposés par Yves Beaunesne dont j'admire sans réserve la mise en scène, que seules ne ressortent que les affres de l'amour, la cruauté innocente de la jeunesse, la violence des sentiments vécus par le trio Camille (Julie Marie Parmentier), Perdican (Loïc Corbery) et Rosette (Suliane Brahim), admirables, rares, étonnants tous trois et si beaux.

En échos les vieux: le père Roland Bertin, bouleversant d'humanité, de poésie et de profondeur et en contre point pour nous permettre de respirer, le curé ivrogne (Pierre Vial), le gouverneur ivrogne également (Christian Blanc) et la prude gouvernante (Danièle Lebrun) tous trois hilarants chacun dans leur registre.

Distribution exceptionnelle, d'une homogénéité et d'un équilibre rarement atteint. Du très, très grand théâtre.
Son triomphe largement justifié.

Je vous souhaite une reprise pour que vous vous y précipitiez la saison prochaine.

QUE FAIRE de Jean-Charles Massera à La Colline.

Ne pas y aller (ouf c'est trop tard).
Imaginez un couple dans sa cuisine enchaînant des slogans de post-soixantehuitards attardés,entrecoupés de chansons "engagées" dont on n'aurait pas voulu pour une Fête de l'humanité des années 50, suivis par les rengaines d'altermondialistes convaincus mais d'âge mûr, le tout ponctué de numéros de cabaret pour spectacle de province destiné à des retraités.

J'allais omettre quelques prêches bien pensants, dignes des meilleures fêtes de patronage. Cela vous donne une idée du spectacle. C'est un cours de moral pour attardés mentaux, avec étalage de culture à peine du niveau des classes élémentaires

La prétention des Auteurs fait référence à "Bouvard et Pécuchet".

Je leur conseille de relire d'urgence le "Bêtisier" de Flaubert .