lundi 28 mars 2011

A la recherche du Temps Charlus avec Jacques Seyres

Nous venons de passer ,il faut le dire sans ambages, le moment le plus délicieux, émouvant, drôle et pénétrant, depuis ce début d'année.

Une heure trente de bonheur théâtral absolu prodigué par Jacques Seyres dont l'identification à l'oeuvre et aux personnages de Proust nous avait déjà enchantés en 2005 dans "Du coté de chez Proust".

Son talent est immense, son spectacle ,une réussite absolue. ces représentations terminées,mais surtout guettez le retour de ce grand comédien et ne manquez sous aucun prétexte son prochain spectacle, vous vous priveriez d'un moment inoubliable.

vendredi 25 mars 2011

Au Moment de la Nuit - Actuellement au Studio des Champs-Elysées

Nicolas Briançon (metteur en scène d'une très réussie "Nuit des Rois" en 2009), dirige et joue en compagnie de la belle Anne Charrier deux textes consacrés aux intermittences du coeur.

Dans le premier tiré de "La nuit et le moment", les costumes branchés des comédiens (créés pourtant par le talentueux Michel Dussarat) qui sont en complet décalage, on goute pleinement le délicieux, l'irrésistible texte de Crébillon fils.

Le libertinage le plus débridé y est évoqué avec un goût exquis, et de si délicates descriptions que l'on est emporté dans un tourbillon de débauche avec une élégance parfaitement maîtrisée que vient encore souligner un déluge d'imparfaits du subjonctif employés avec un naturel déconcertant. Les personnages sont beaux, futiles, mais surtout attentifs à travestir leurs blessures et à ne pas se livrer. Jamais ils ne laissent parler leur coeur.
De cette joute amoureuse dont on s'enivre, il ne restera au lever du jour qu'une mélancolique et fatale désillusion.

Pour "le Pain de Ménage" de Jules Renard, décor et costumes sont plus adaptés au texte et les interprètes parfaits dans leur rôle respectif.

Les personnages cette fois sont à l'opposé de nos protagonistes libertins. Nous sommes un siècle plus tard, il faut le dire, et la bourgeoisie bien pensante à son apogée. Cependant l'homme et la femme se veulent des conjoints respectivement comblés de bonheur et l'on assiste à une surenchère d'éloges échangés à propos de chacun des absents.

Ces unions paradisiaques paraissent inattaquables jusqu'à ce que....la tentation de "l'autre" ne se fasse jour. La lézarde devient gouffre et c'est bientôt un nouveau paradis qui sera évoqué: celui qui prodigue la joie de l'ailleurs, le goût du divers, l'excitation de la fuite.

Mais cette brûlure n'est qu'un feu de paille si tôt éteint, et nos héros bientôt de retour dans le droit chemin. Sens du devoir, conformisme moral? Ils auront cependant connu un intense plaisir éphémère: celui du rêve.

"29° à l'ombre" et "Embrassons-nous Folleville" de Labiche - La Tempête jusqu'au 10 avril

Que dire de cette représentation de "29° à l'ombre"?

Que le texte est irrésistible et sa force comique intacte. Les travers de nos bourgeois parvenus, à la campagne par une journée de canicule, sont dépeints avec tant d'acuité par l'auteur que les rires fusent à chaque réplique. Mais ça, encore une fois c'est le texte. En ce qui concerne la mise en scène il s'agit tout simplement d'un contre-sens: le décor, moderne, les acteurs, d'après leurs costumes, contemporains, habillés à la Deschiens, et le cadre, minable. Or la pièce de Labiche est riche de références caractéristiques de son époque, intransposables à la nôtre et ses personnages, des possédants et non pas de modestes fonctionnaires en week-end. Quelle incompréhension!

Malgré le souvenir impérissable que nous ont laissé Jacques Charon et Bernard Dhéran dans ces rôles, les hommes tiennent leur partition en dépit de la distribution du metteur en scène, car leur physique à tous, et particulièrement celui de Madame Pomadour, sont aussi en totale inadéquation avec leur personnage.

Pour "Embrassons-nous Folleville", l'horreur monte d'un cran, le charmant vaudeville avec couplets se transforme en kitchissime comédie musicale à prétention glam-rock. Le décor: du Starck criard et bon marché; les costumes: délibérément grotesques et vulgaires; la mise en scèn: clownesque.
Cette fois c'est bien Labiche qu'on assassine.

dimanche 6 mars 2011

Appelez-moi Tennessee - Théâtre des Mathurins

L'intérieur d'un bungalow avec son mobilier de bambou, un écrivain qui tape devant sa machine à écrire,le bruit lancinant des vagues.

En fait ce n'est qu'une reconstitution de studio: nous sommes en direct pour l'enregistrement d'une célèbre émission télévisée en pleine crise de Cuba.

Face à un Tennessee Williams tour à tour cinglant ou vulnérable, émouvant dans la sincérité de ses réponses à l'évocation de certaines de ses blessures, un journaliste chevronné,Alvin Baker, qui ne se laisse pas facilement démonter en dépit de son évidente méconnaissance de l'oeuvre et de la personnalité de son invité.

Les échanges sont percutants,l'incompréhension totale.

Ce dialogue de sourds, serré et déroutant crée une incontestable densité dramatique,encore renforcée par la gravité des évènements extérieurs, et, comme devant le petit écran, on regrette vraiment les "coupures" dans l'émission, qui, dans la pièce, permettent d'habiles flash-back sur certains épisodes tragiques de la vie privée de Tennessee Williams, mais qui provoquent une rupture de rythme à ce remarquable entretien.
Car c'est bien dans les réponses de l'écrivain lui-même que ressortent le mieux son sens de l'auto-dérision, de la provocation, mais aussi l'expression d'une poignante résignation face à la vie.

Ce spectacle est un beau travail d'ensemble: la qualité du décor, de la mise-en-scène, de l'interprétation des deux excellents comédiens (Frédéric Saher et Benoit Solès) rendent un hommage sensible et convaincant pour célébrer le centenaire de la naissance du célèbre dramaturge américain.