dimanche 25 septembre 2011

"Personne ne m'aurait cru, alors je me suis tu" de Sam Braun au Théâtre de l'Epée de Bois

Le récit autobiographique de Sam Braun débute avec son arrestation en 1943 par la Milice, se poursuit à Auschwitz pour s'achever par la "Marche de la Mort" dont il est un des seuls survivants.

L'exercice peut paraître impossible car l'évocation d'un tel degré d'horreurs vécues peut relever du voyeurisme, de l'indécence voire de l'obscénité.

Tout au contraire.

En collaboration avec l'auteur, récemment disparu, Patrick Olivier, le récitant, nous fait revivre avec la même pudeur, la même justesse, la même simplicité et la même profondeur, le témoignage de Sam Braun.

Il nous parle de ses années en enfer en nous en décrivant toutes les atrocités, et le comédien prête à cette expérience inimaginable, comme l'écrit Sam Braun, une grande sensibilité et toute la retenue requises.Quelques projections  d'époque entrecoupent son récit, accompagnées par la musique poignante d'un violon et d'un accordéon, sur scène pour seul décor, une pierre et une tombe sur laquelle brûle symboliquement une bougie.

On hésite à laisser crépiter nos applaudissements et on remercie Patrick Olivier de nous avoir transmis ce texte bouleversant.
Puis quand Sam Braun apparaît sur la courte vidéo qu'il a enregistré pour les enfants des écoles, on ne peut plus retenir ses larmes à l'écoute du si beau message de vie et d'espoir délivré par ce très vieux Monsieur ..

Et surtout lisez son livre éponyme, si vous ne pouvez pas voir le spectacle, paru aux éditions Albin Michel.

YOURI de Fabrice Melquiot au Théatre Hébertot

J'ai conservé depuis 2005 un article annonçant "un auteur est né" parlant de Fabrice Melquiot.

Les aléas de la programmation jusqu'à maintenant ne m'avaient pas permis d'assister à la représentation d'une de ses pièces.

C'est chose faite avec Youri.

L'adoption, ses difficultés et celles d'un couple en mal d'enfants en sont le sujet.

Ce problème si complexe et actuel rarement traité sur scène, pouvait laisser croire que l'on découvrirait une pièce, qui à défaut d'être "profonde" nous aurait au moins permis de partager les interrogations, les incompréhensions, les émotions des protagonistes.
Comment Didier Long a-t-il pu signer cette mise en scène? lui dont le nom a été associé à la création de tant de spectacles de qualité.

Si le problème de la "marchandisation" de l'enfant est évoqué, tout est si grossier  et lourd que je refuse de m'étendre davantage sur ce spectacle navrant.

On est en dessous du niveau du mauvais boulevard.
 La bêtise règne sans partage sur cette soirée.

dimanche 18 septembre 2011

Entre Deux Ils. Théatre de l'Oeuvre

Un travail d'orfèvre

Un bijou théâtral

Qu'une femme aimée abandonne son mari sans motif et s'épanouisse chez un libraire de qualité ,en province,où s"échoue à son tour l'inconsolable époux délaissé, peut faire penser à l'intrigue de ces pièces de boulevard auxquelles je suis généralement insensible, voire allergique.

Tout au contraire.

Sous la magistrale direction du tandem José Paul et Agnès Boury,éblouissante de justesse et de sensibilité, Claire (Lysiane Meiss) Rémi (Eric Savin) David( Bernard Malaka) incarnent à la PERFECTION les personnages créés par Isabelle Cote dont cette première pièce révèle un très joli talent

Cette attachante histoire d'êtres meurtris, mais triomphant chacun de sa blessure., nous porte et nous emporte tout au long de la représentation.
L' empathie avec le public est si forte, qu'en dépit d'un dénouement un peu "mélo" la salle crépite d'applaudissements si tôt la dernière réplique entendue.

C'est toute la magie du théâtre qui opère en ces moments de grâce.

Ne boudons pas notre plaisir, qui sera , je le souhaite, très largement partagé.

vendredi 16 septembre 2011

L' Intrus - Comédie des Champs Elysées

Rault est un auteur indigeste, lourd, lourd, lourd.

Ni le jeu de Claude Rich ni celui de Nicolas Vaude ne parviennent à nous faire oublier qu'une pièce de théâtre est avant tout un texte.

Or ici, point de pièce, ni de personnages, seulement une succession de lieux communs au goût du jour, de jeux de mots qui se veulent érudits, d'états d'âmes et de situations fabriqués.

La supercherie ne fonctionne pas.

La vieillesse, la décrépitude, la déchéance morale et physique, la peur de la mort sont pourtant autant de sujets qui touchent chacun d'entre nous. Mais ce vieux scientifique parvenu à l'heure du bilan final au lieu de nous émouvoir dans sa vulnérabilité par ses regrets et sa funeste faiblesse face au pacte méphistophélien qui lui est proposé, nous accable et déverse sur le spectateur une interminable succession de répliques redondantes et convenues qui agissent au mieux comme un anesthésiant.

La salle est atone au baisser de rideau, n'en déplaise à l'auteur et en dépit du grand talent des interprètes qui le servent.

Le Songe d'une Nuit d'Eté - Théatre de la Porte Saint Martin

Nicolas Briançon nous a déjà offert dans ses précédents spectacles deux merveilleuses soirées théâtrales avec sa "Nuit des Rois" en 2009 et "Au moment de la Nuit" la saison dernière.

Pour autant "Le Songe d'une Nuit d'Eté" ne m'a pas convaincue.

Malgré un premier tableau aussi "enlevé" qu'un générique de "Dim Dam Dom" (émission de mode culte de la télévision des années 60) dans un décor, pourtant astucieux de Bernard Fau, mais trop "Casino de Paris" voire boîte de Pigalle, la transposition n'opère pas comme on l'espérait.

Les moyens n'ont certes pas manqués à cette production dont l'affiche est faite essentiellement sur les noms de Lorant Deutsch et Mélanie Doutey; et c'est là que se situe le premier malentendu, car ils sont loin de tenir les rôles principaux.

Lorant Deutsch, dont on a si souvent apprécié l'exigence des choix ( "Victor ou Les Enfants au Pouvoir" de Roger Vitrac,"L'Anniversaire"  d'Harold Pinter) et les prises de risque parfaitement maîtrisées, nous livre un Puck dénué d'espièglerie, qualité pourtant essentielle chez les Elfes comme chacun sait et ses facéties se résument à des farces bouffonnes.
Surprenant de la part d'un comédien si subtile.

On a aussi vu Mélanie Doutey beaucoup plus inspirante, irrésistible sur scène, alors même que le personnage de Titania est un rôle de rêve au sens propre et figuré.

Tous les autres acteurs sont justes.
Nicolas Briançon, toujours séduisant chef de troupe-meneur de revue , les quatre jeunes amoureux (Davy Sardou, Thibault Lacour, Elsa Mollien et Marie Julie Baup) ont le physique de l'emploi et le talent de nous faire entendre ces si beaux vers, tout comme les comédiens "comédiens" (Yves Pignot en Bottom, Maxime Lombard, Dominique Daguier et Léon Lesacq) qui nous livrent un numéro de vieux cabotins parfaitement rodé.

Saluons le travail de la troupe, chose si rare aujourd'hui dans le privé et regrettons davantage encore que cette très louable tentative de réconcilier spectacle populaire et grand texte du répertoire, ne fonctionne pas, lâchons le mot, que la Poésie soit absente à ce point de la plus exquise des comédies de Shakespeare.

Je dirais "Beaucoup de Bruit pour Rien" si j'étais cruelle.

mercredi 14 septembre 2011

L'Ouest Solitaire - Théatre Marigny / Salle Popesco

Sur l'affiche le nom des interprètes est inscrit en grand: Dominique Pinon?Bruno Solo.

L' auteur y figure en caractères lilliputiens, à peine lisibles.
Et pourtant, Martin Mac Donagh est un écrivain comme on voudrait en découvrir plus souvent.
 Sa pièce, écrite à 27 ans, est déjà l'illustration d'un talent consommé, d'une totale maîtrise de l'écriture.

Ses répliques fusent, dérangent, choquent, percutent et finissent par émouvoir.

Sujet inhabituel, singulier, cette fratrie, d'une rare violence physique et verbale, nous dépeint des êtres frustres et primaires qui s'affrontent mus par une haine recuite, au fin fond d'une région d'Irlande déshéritée où les personnages semblent tous irrémédiablement condamnés et l'espoir définitivement banni.

Dans cette humanité sans fards, ni le bon prêtre qui ira jusqu'au sacrifice ultime face à l'échec de ses vains efforts, ni la très troublante jeune fille dont le pur amour "coupable" est brisé à jamais, ne parviendront à échapper à cette déferlante de désespérance.

Quel ennui, soupirez-vous!
Quelle sinistre soirée, pensez-vous.
Détrompez-vous de suite,
Rassurez-vous sans attendre.

Ce sont deux heures  de rire ininterrompu, un festival d'humour noir, de cocasserie, de truculence et de dérision, une cascade de situations tragi-comiques que nous réserve cette première "Première" de la saison.

Une merveilleuse surprise.

Le rôle des frères est parfaitement interprété, respectivement par Dominique Pinon dont le talent éclate ici comme jamais, et par Bruno Solo aussi très convaincant dans sa rugosité à fleur de peau.
Elsa Rozenknop nous révèle une jeune actrice surdouée, et Pierre Berriau incarne bien son personnage de bon samaritain.

Saluons l'excellent travail de Ladislas Chollat, le metteur en scène, ainsi que les décors d'Emmanuelle Roy.

Et félicitons particulièrement Pierre Lescure d'avoir su programmer une fois encore un spectacle de très grande qualité et d'une drôlerie dévastatrice.