dimanche 15 mai 2011

Au Revoir Parapluie de James Thiérrée .Théatre Marigny jusqu'au 12 juin

Dès 1998 j'avais été "alertée" en des termes enthousiastes sur le talent deJames Thiérrée, alors inconnu du public et qui se produisait dans un lointain théatre de banlieue, non fréquenté par l'intelligentsia parisienne comme bien d'autres scènes de la périphérie.

Quelques années plus tard je me suis précipitée au Rond-Point pour découvrir "La Symphonie du Hanneton".
L'éblouissement fut complet et depuis je n'ai manqué sous aucun prétexte ses autres créations (hormis "Raoul" en dépit de mes efforts) allant jusqu'à écourter des vacances pour sa "Veillée des Abysses".

Ce Magicien, à la fois immense poête et fol acrobate, qui illustre le rêve comme nul autre et qui parvient à nous émouvoir aux larmes avec ses tableaux enchantés et oniriques, nous transporte dans son imaginaire avec une grâce unique.

Oui chez lui se retrouvent tout à la fois le charme irrésistible, l'humour fabuleux, le sens du burlesque, le soucis de l'élégance, le charme intact de l'enfance de son génial aïlleul.
Pour autant James Thiérrée a su trouver sa propre personnalité, un style bien à lui, tout comme ses Parents, Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thiérrée, et sa soeur, Aurélia Thiérrée.

Aujourd'hui, le théâtre Marigny nous permet de revoir "Au revoir Parapluies" devant un public conquis d'avance. Je vais vous surprendre, vous paraître blasée mais je l'avoue, c'est avec un petit goût de déception que j'ai quitté la salle.

J'ai bien retrouvé le carrousel des cordages du début et son effondrement, le numéro surréaliste du rocking-chair, le comique et dérisoire duel des blés, les machines improbables, les monstres imaginaires, les chants étranges comme les exploits acrobatiques de ses partenaires.

Serait-ce la dimension du plateau qui amoindrit de la sorte la "portée" du spectacle? Même la tente du cirque au final, avec sa pluie lumineuse de volants, a un peu perdu de sa magie.

Néanmoins, si vous n'avez jamais vu James Thiérrée, il FAUT le découvrir absolument. Dans le monde actuel de la scène, il y demeure un prince incontestable. 



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L'Opera de quat'sous de Bertolt Brecht musique de Kurt Weill à la Comédie Fraçaise (Salle Richelieu) mise en scène de Laurent Pelly.

Ce n'est pas la qualité de l'oeuvre de Bertolt Brecht , ni celle de la musique de Kurt Weill qui ont besoin d'être célébrées ici.
Le succès était déjà au rendez-vous en 1928 lors de la création et ne s'est jamais démenti depuis. Si je n'ai pas pu voir la version cinématographique de 1931, ni la mise en scène de Sthreler en 1956 , dès mon adolescence j'ai ressenti un véritable "coup de foudre", jamais renié, pour la rengaine de "Mackie" et tant d'autres refrains chantés par Lothe Lenia (l'épouse de Brecht) comme par Ella Fiztgerald .

C'est pourquoi la version très réussie, donnée à "La Colline" en 2004 par le tandem Schiaretti et Malgloire n'était nullement un prétexte pour me priver du spectacle actuellement à l'affiche du Français .

Et là quel bonheur! Un des seuls , avec "Autour de Charlus" (dans un tout autre registre) que nous ait réservé cette "morne" saison.
Enfin une mise-en scène inventive , intelligente, fourmillante de trouvailles au service de l'oeuvre et de la musique, qui contrairement à une fâcheuse habitude des plus répandues, ne sert pas la mégalomanie délirante du "scénographe" mais la lettre et l'esprit de l'oeuvre.
Des décors, eux aussi ingénieux, très réussis, et souvent réduits à quelques éléments, des changements à vue qui contribuent à renforcer le dynamisme de l'action et des costumes si bien conçus (quelles tenues nous portent ces "Dames") et enfin les comédiens du Français:
Génial, une fois encore, Thierry Hancisse; irrésistible Véronique Vella; redoutable Bruno Raffaelli, pour ne citer que les interprètes des rôles principaux, mais tous, vraiment sont là, justes, drôles, menaçants ou touchants.Quelle troupe ! C'est impressionnant. Et même si son talent n'est plus à démontrer un grand bravo à Laurent Pelly .

Plongeons-nous dans les bas-fonds, vautrons-nous dans la fange, vivons la guerre des gangs et la complicité de l"Autorité, délectons-nous de ces propos iconoclastes et dévastateurs.

Brecht ne se trompait pas. Cet " Opera à l'Envers" est d'une actualité brûlante et son objectif avoué contre la  "Totale Crétinisation de l'Opera" pleinement atteint .


Vous l'aurez compris courrez au Français ou ne manquez pas la reprise: C'est une très belle réussite.

dimanche 8 mai 2011

"Lettres d'amour à Staline" de Juan Mayorga à la Tempête jusqu'au 29 mai

J'ai découvert Mayorga avec "Le Garçon du dernier rang", il y a deux ans dans le même lieu et avec le même metteur en scène. La manipulation était déjà le thème essentiel de cette excellente pièce qui décrivait comment un "maître" (ici le professeur) devenait le jouet de son élève. L'inversion des rôles et des rapports de force était parfaitement maîtrisée dans ce spectacle marqué aussi par le travail intelligent et efficace de Jorge Lavelli et de ses interprètes.

Dans ses "Lettres d'amour à Staline" l'auteur revient sur le sujet. Ici pour l'illustrer, il choisit de faire revivre sous nos yeux les rapports de deux personnalités hors du commun. C'est Boulgakov légendaire et sublime auteur de "Coeur de chien", "Maître et Marguerite", "Les Jours des Tourbine" (pour ne citer que les plus connus de ses chefs d'oeuvre) qui devient la victime non consentante de Staline soi-même et des effets les       plus pervers et dévastateurs de son pouvoir absolu relayé par d'obscurs et serviles valets.

Boulgakov est un de mes auteurs de chevet: son humour noir, son humanité, son sens de la satire et du fantastique en font un des plus courageux et lucide écrivain de ces années terrifiantes. Sa vie, débutée par un succès et une reconnaissance immédiate, fut brisée par son éviction sans appel et l'interdiction de ses oeuvres: Staline le fit disparaître au sens propre de la vie littéraire sans oser le liquider physiquement. Sommet de la cruauté et de la perversité exercée par le "Chef" désespoir qui conduit à la limite de la folie, vécu par la victime. C'est le calvaire enduré par Boulgakov pendant les vingt dernières années de sa vie, sans pour autant jamais renoncer à créer et à écrire. C'est historique, bouleversant, matière à une des pires tragédies farcesques des temps modernes.
Mais voilà, passée la première demi-heure du spectacle, où la folie dévastatrice s'installe dans l'esprit de l'écrivain, et en dépit d'une interprétation magnifique de Luc Antoine Diquero incarnant Boulgakov, l'ennui s'installe, la démonstration pèse par la lourdeur de ses effets. Le supplice enduré tourne à l'outrance et à la caricature. On n'est pas convaincu par les "apparitions" maléfiques et répétées du Tyran, sortant d'une armoire grinçante, incarnation d'un cauchemar vivant. On n'est pas davantage convaincu par les échanges et les dialogues qui s'en suivent, et les tentatives désespérées mais indéfiniment renouvelées de la victime pour se justifier face à son bourreau.

Voilà une soirée qui était attendue autant avec d'impatience que d'émotion anticipée. C'est encore un rendez-vous raté de cette saison trop souvent décevante.