mercredi 16 novembre 2011

Chronique d'une Haine Ordinaire de Pierre Desproges La Pépinière Théâtre

Pendant toute la durée de la représentation, je me suis demandé si Pierre Desproges n'était pas plus convaincant, plus percutant, plus acide que Christine Murillo et Dominique Valadié.

On ne peut pas reproché aux deux comédiennes de n'être pas à la hauteur.

Tout au contraire, elles sont surdimensionnées.
J'ai trop souvent critiqué les excès caricaturaux de certains comédiens, pour ne pas, ici, reconnaître le talent avec lequel chacune déploie tous les registres d'interprétation dans leur expressivité aussi bien que dans "l'art de dire".

La direction d'acteur que signe Michel Didym est le fruit d'un travail très recherché qui touche jusqu'à la moindre intonation, au moindre froncement de sourcil.

C'est rodé, ultra professionnel, très visuel.

La conséquence en est surprenante:
Les effets si nombreux donnent parfois l'impression d'un remplissage, d'une surcharge inutile.
Les histoires gagneraient à être resserrées.

C'est du très bon cabaret, qui s'apparente aux chansonniers, et comme eux cela "colle" de si près à l'actualité qu'aujourd'hui cela nous semble un peu dépassé.

Dans la même veine Gaspard Proust s'impose et domine aujourd'hui incontestablement le genre

dimanche 13 novembre 2011

La Promesse de l'Aube d'après Romain Gary Théâtre de la Commune d'Aubervilliers jusqu'au 27 novembre

Il manque à Bruno Abraham Kremer tout le charme slave, le panache, l'élégance, la sensibilité tourmentée, l'humour, le sens de la dérision, les excès, sans lesquels Romain Gary ne serait pas Romain Gary.

La musique, le son, le décor (rideau de fond de scène et rangées de baffles sur lesquels se hisse le comédien) n'apportent rien non plus au spectacle.
 
Bruno Abraham Kremer nous dit son texte d'un ton bourru, avec une conviction autoritaire et grincheuse sans rapport avec les histoires tour à tour bouleversantes, incongrues, et héroïques quand il interprète le rôle de l'auteur, et son accent russe ne suffit pas à faire revivre Sa Mère personnage dominant.

En dépit du manque évident de tendresse sans même parler de l'absence criante de cet amour fou qui unit Mère et Fils, le texte est là et bien là.

Preuve irréfutable de sa singulière qualité et de sa profonde humanité, cette "Promesse de l'Aube" résiste à bien des épreuves, comme Romain Gary que l'on est bien heureux de retrouver en scène et que l'on écoute avec une émotion toujours intacte.

Je Disparais de Arne Lygre à La Colline jusqu'au 9 décembre

C'est un texte étrange, surprenant, déstabilisant.

On ne sait trop si cette fuite soudaine qui transforme des êtres "normaux" en parias et en exclus dans l'extrême précarité est un récit réel ou fantasmé.

Jeux de rôles, quête de l'identité, quête aussi de la compassion et de la fraternité caractérisent cette histoire à cinq personnages:

Moi (formidable Annie Mercier aux intonations qui rappellent Simone Signoret) attend Son Amie (Luce Mouchel intéressante dans sa volonté d'auto persuasion) la Fille de Son Amie, et Son Mari (Alain Liboit touchant dans son infatigable recherche d'amour) qu'elles renoncent à attendre pour partir.

Seule en scène à la fin le Mari.

Il a décidé lui de devenir l'Homme Nouveau qui s'adapte au Monde Nouveau, et à fonder, avec sa Femme Nouvelle, une vie nouvelle qui lui a permi d'oublier la précédente marquée au sceau de l'inconsolable perte de l'Enfant.

Tout l'éllliptisme norvégien caractérise la pièce de ce jeune auteur de 43 ans qui m'a subjuguée.

Dans un décor abstrait et fascinant de beauté et d'efficacité de Stéphane Braunschweig qui signe aussi une mise en scène parfaite au service d'un texte somme toute très humain, on suit les tribulations de tous ces personnages avec une attention qui ne faiblit à aucun moment.

Théâtre moins fort peut-être que celui de son jeune ainé Jon Fosse pour lequel j'ai une immense admiration, il s'inscrit parfaitement dans la grande tradition nordique à la suite d'Ibsen et de Strindberg qui ont bouleversé les codes en fouillant aussi dans les tréfonds de notre âme et de ses tourments.

Une Histoire d'Ame d'Ingmard Bergman avec Sophie Marceau Théâtre du Rond Point jusqu'au 19 novembre et en tournée ensuite

"Une Histoire d'Ame" ou la descente aux enfers dans la folie et l'enfermement d'une Belle personne.

Cela débute par les caprices d'enfant gâtée d'une ravissante, mais très vite elle révèle ses fractures de femme blessée, blessée par la froideur de son époux et ses infidélités.

Très vite elle se referme sur elle même tout en s'efforçant de faire semblant et de donner le change.
Très vite aussi, elle bascule tout à fait, et c'est l'asile psychiatrique.

La chute ne s'arrête pas pour autant, l'enfermement révèle aussi des degrés de déchéance et d'abandon, et là encore, malgré les nombreuses manifestations de sa "déraison" elle poursuit son monologue par un récit toujours plus tragique sur sa Vie d'aliénée et témoigne cependant d'une lucidité surprenante: ultime effort sans doute pour ne pas sombrer tout à fait.

La grande beauté de Sophie Marceau éblouit. Elle rayonne sur le plateau, elle éclate de santé:
Et c'est ce qui me gène.

Toute la fragilité, la vulnérabilité de ce personnage troublant, trop saine, Sophie Marceau ne convainc pas en dépit de sa sensibilité et de sa retenue.

Le texte de Bergman ne m'a pas convaincue non plus:
Il manque de ressort dramatique et au théâtre cela ne pardonne pas.