dimanche 20 février 2011

LA MALADIE DE LA FAMILLE M de Fausto Paravidino

Malgré le talent indéniable des jeunes acteurs du Français (Nazim Boudjenah et Félicien Juttner tout particulièrement), malgré une mise-en-scène très juste de l'Auteur et un splendide décor de Laura Benzi "La Maladie de la Famille M" du jeune Fausto Paravidino ne m'a pas convaincue le moins du monde.

La maladie dont souffre le père et les trois enfants de cette famille à la suite de la mort de la mère, fait évoluer sur scène des personnages sans épaisseur dont les symptômes ne servent qu'à l'énumération d'une suite de lieux communs d'une désolante banalité. Face à eux "leur bon ange" en la personne du médecin de famille compatissant n'est pas crédible un instant, malgré la ressemblance voulue par l'auteur avec le grand Tchekhov.

Les maux de désamour au sein de familles naufragées ont été brillamment illustrés cette saison de façon autrement bouleversante par Claudio Tolcachir et même Simon Stephens.

Ici l'impression dominante est la facilité et la complaisance qui flattent les attentes d'un certain public.

dimanche 13 février 2011

HARPER REGAN de Simon Stephens (Rond-Point) et LE CERCEAU de Victor Slavkine (désormais en tournée)

Deux spectacles magnifiques écrits par des auteurs contemporains et vivants, interprétés par de fabuleux comédiens, merveilleusement mis en scène dans des décors fascinants et de toute beauté.
Voilà les traits communs à ces deux pièces.


L'une HARPER REGAN est écrite par le jeune Simon Stephens joué en France pour la première fois.

Son personnage, Harper Regan, la belle et troublante Marina Foïs, est confrontée à un précipité de situations difficiles, voire intenables: successivement face à un patron pervers et un inconnu rencontré sur le net (le formidable Gérard Desarthe); un mari chômeur probablement pédophile et un journaliste réac, alcoolique, macho (le très bon Louis-Do de Lencquesaing); une fille en pleine crise d'adolescence (la jeune et talentueuse Alice de Lencquesaing) et des parents rejetés. Situations qu'elle traverse et parvient à surmonter à sa façon de manière surprenante.

La mise en scène de Lukas Hemleb utilise parfaitement les trois mêmes éléments de décor qui en bougeant sur une tournette définissent les lieux de chacun des différents "tableaux" de l'action. Le rythme maitrisé de l'intrigue, l'absence d'emphase, assurent une progression dramatique intense. On entre dans cette histoire si profondément que le noir de la fin, malgré son évidence, surprend la salle entière.
C'est terriblement actuel, parfaitement britannique et cette nouvelle"Mer Courage" force toute notre admiration.


L'autre LE CERCEAU de Victor Slavkine nous transporte dans un autre monde: la Russie post-soviétique.

A l'invitation de l'improbable Petouchok, improbable héritier d'une improbable maison de campagne, un improbable groupe d'amis y débarquent pour y passer un week-end placé sous le signe d'une improbable harmonie utopique ardemment souhaitée par leur hôte.

Cette galerie de personnages réunit quelques figures pitoyables, fracassées, nostalgiques ou opportunistes presque toutes mues par l'impérieux besoin d'échapper à la vie des appartements communautaires. Ils sont souvent très comiques et toujours attendrissants.

Après un premier acte éblouissant on regrette un peu que le texte ne se perde dans de plus banales digressions. Mais la mise en scène de Laurent Gutmann dans une très belle scénographie et avec d'excellents éclairages crée une atmosphère d'une rare intensité théâtrale autour des acteurs de ce monde à la dérive. C'est toute l'âme slave qui ressuscite sous nos yeux.

mercredi 9 février 2011

PADAM PADAM - Isabelle Georges (Théâtre des Mathurins)

A la fois motivée par le désir de passer une vraie soirée de détente et de découvrir un spectacle musical consacré aux grands succès de la chanson française de ma "jeunesse", j'ai assisté à PADAM PADAM repris aux Mathurins après son succès lors de sa création au Labruyère.

Hélas, Paris n'est pas Londres ( cf pour les fidèles "the end of the rainbow") et l'on mesure quelle somme de talents et de savoir faire il faut réunir pour arriver à convaincre son public.

Ce ne sont ni l'engagement d'Isabelle Georges ( bonne danseuse au demeurant) ni le jeu des trois jeunes musiciens qui l'entourent qui font défaut. Mais reprendre les chansons d'Edith Piaf, d'Yves Montand ou Colette Renard nécessite sur scène une présence et une personnalité hors du commun. Et retracer la vie de Norbert Glanzberg comparable aux aventures les plus folles, rocambolesques et dramatiques tout ensemble, devrait fournir un fil conducteur comme on n'ose pas en réver.

Malheureusement la magie n'opère pas et pendant le spectacle on réécoute sans réel plaisir les refrains tant attendus comme "mon manège à moi" ou "les grands boulevards".

L'émotion que devraient susciter les épisodes tragiques comme les miracles de la vie de Norbert Glanzberg n'est pas davantage au rendez-vous.

C'est dommage, on sent un sincère désir de bien faire, mais sans parler de fête de patronnage on reste très en-dessous de ce que savent si bien réaliser les anglo-saxonS.

DON JUAN de Brecht (théâtre de l'Oeuvre)

"Don Juan" à l'affiche de l'Oeuvre répond à une exigence de programmation qui caractérisait ce "grand" théâtre chargé d'histoire.

Sans avoir recours à des têtes d'affiche dont le seul renom vous assure la billeterie, sans relecture d'un classique destinée à séduire les belles cervelles, on est tout simplement heureux d'assister à une bonne représentation théâtrale, d'entendre de jeunes comédiens, justes et talentueux (excellent Sylvain Katan en Sganarelle), à la diction parfaite, servir le texte de Brecht en tout point fidèle à l'intrigue de Molière.

On regrettera cependant la gêne occasionnée par de très vilains costumes et certains effets de mise en scène trop transposés, et on est loin d'être convaincu de la nécessité qu'a ressentie ce granD dramaturge qu'est Bertold Brecht, de réécrire Don Juan, car iL ne recèle rien de plus révolutionnaire et iconoclaste que le texte de Molière. Cela en devient une version réductrice.

vendredi 4 février 2011

UNE BANALE HISTOIRE de TCHEKHOV (Théâtre de l'Atelier)

Nous aimons Marc Dugain dont nous avons pu apprécier le talent d'écrivain et de réalisateur de cinéma.
Tchékhov est un auteur dont la petite musique sait comme aucune autre nous parler de tristesse, de désespoir avec tant de profondeur, sans emphase ni débordement.
Jean-Pierre Darroussin a fait à l'écran de si nombreuses apparitions réussies qu'on ne peut toutes les évoquer ici.

Sans doute par manque d'expérience théatrale le metteur en scène ne parvient jamais à choisir entre une lecture statique ou le souhait de donner véritablement vie aux protagonistes.
Et malgré la ressemblance physique avec l'auteur qui est frappante, le jeu du comédien est d'une monotonie lassante.
Quant au texte de Tchékhov, il recèle bien entendu de bouleversants passages, mais clui-ci en grand auteur savait quels étaient ses écrits destinés à la scène: ses pièces sont inoubliables.
Sa nouvelle est elle destinée à la lecture et c'est ainsi qu'on doit la découvrir.
Aussi notre déception n'en a été que plus vive.

LE NOMBRIL de Jean ANOUILH (comédie des Champs Elysées)

D'Anouilh, Michel Fagadau nous avait donné à voir en 2010 une très bonne "Colombe" servie par une excellente distribution. Cette pièce était de la bel ouvrage, conventionnelle certes, mais dépeignant sous un jour grinçant et sans fard un monde du théâtre impitoyable et attachant à la fois.

"Le Nombril" cette ultime pièce est navrante.

Le texte, déluge de répliques aux relents poujadistes outrageusement démodés, de redites poussées jusqu'à l'exaspération, nous livre le portrait d'un auteur à succès: harcelé à la fois par ses proches à l'insatiable cupidité et les douleurs de sa goutte, le personnage malgré son apparente goguenardise et ses multiples facéties ne peut dissimuler le concentré d'aigreur qu'il incarne.

Par respect pour l'auteur on aurait préféré demeurer dans l'ignorance de ces références autobiographiques si amères et conservatrices.