dimanche 8 mai 2011

"Lettres d'amour à Staline" de Juan Mayorga à la Tempête jusqu'au 29 mai

J'ai découvert Mayorga avec "Le Garçon du dernier rang", il y a deux ans dans le même lieu et avec le même metteur en scène. La manipulation était déjà le thème essentiel de cette excellente pièce qui décrivait comment un "maître" (ici le professeur) devenait le jouet de son élève. L'inversion des rôles et des rapports de force était parfaitement maîtrisée dans ce spectacle marqué aussi par le travail intelligent et efficace de Jorge Lavelli et de ses interprètes.

Dans ses "Lettres d'amour à Staline" l'auteur revient sur le sujet. Ici pour l'illustrer, il choisit de faire revivre sous nos yeux les rapports de deux personnalités hors du commun. C'est Boulgakov légendaire et sublime auteur de "Coeur de chien", "Maître et Marguerite", "Les Jours des Tourbine" (pour ne citer que les plus connus de ses chefs d'oeuvre) qui devient la victime non consentante de Staline soi-même et des effets les       plus pervers et dévastateurs de son pouvoir absolu relayé par d'obscurs et serviles valets.

Boulgakov est un de mes auteurs de chevet: son humour noir, son humanité, son sens de la satire et du fantastique en font un des plus courageux et lucide écrivain de ces années terrifiantes. Sa vie, débutée par un succès et une reconnaissance immédiate, fut brisée par son éviction sans appel et l'interdiction de ses oeuvres: Staline le fit disparaître au sens propre de la vie littéraire sans oser le liquider physiquement. Sommet de la cruauté et de la perversité exercée par le "Chef" désespoir qui conduit à la limite de la folie, vécu par la victime. C'est le calvaire enduré par Boulgakov pendant les vingt dernières années de sa vie, sans pour autant jamais renoncer à créer et à écrire. C'est historique, bouleversant, matière à une des pires tragédies farcesques des temps modernes.
Mais voilà, passée la première demi-heure du spectacle, où la folie dévastatrice s'installe dans l'esprit de l'écrivain, et en dépit d'une interprétation magnifique de Luc Antoine Diquero incarnant Boulgakov, l'ennui s'installe, la démonstration pèse par la lourdeur de ses effets. Le supplice enduré tourne à l'outrance et à la caricature. On n'est pas convaincu par les "apparitions" maléfiques et répétées du Tyran, sortant d'une armoire grinçante, incarnation d'un cauchemar vivant. On n'est pas davantage convaincu par les échanges et les dialogues qui s'en suivent, et les tentatives désespérées mais indéfiniment renouvelées de la victime pour se justifier face à son bourreau.

Voilà une soirée qui était attendue autant avec d'impatience que d'émotion anticipée. C'est encore un rendez-vous raté de cette saison trop souvent décevante.

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